Le jour des oiseaux
Verbe sacré 2019 ● 10e édition, 12-14 septembre 2019
d’après
La Genèse « Au commencement »
Farid al-Din Attar « Le Cantique des oiseaux »
Messiaen « Entretiens d’un ornithologue »
Livret & mise en scène : Antoine Juliens
Costumes : Laurence Chapellier
Compagnie Teatr'Opera
12, 13, 14 septembre 2019 – Représentation théâtrale
Site de l'ancienne abbaye de Landévennec, accueil au musée
20h45 ● Prologue, « Au commencement était l’accord »
21h ● Oratorio théâtral, « Le Jour des Oiseaux », une création d’Antoine Juliens
14 septembre 2019, 15h – Table ronde
« Dans le souffle des oiseaux, la voix de la Genèse »
Abbaye Saint-Guénolé ("nouvelle abbaye"), auditorium
Je brûle si je ne dis pas
par Antoine Juliens
directeur de Verbe Sacré, librettiste, metteur en scène
Les oiseaux pour un commencement
Le temps est donné pour une dixième édition de Verbe Sacré. Elle convie cette année à un songe qui versera dans l’histoire de la Création, celle du commencement du monde, de notre monde. Allégorie réelle, fabuleuse ou symbolique ? Qui sait comment les choses se sont produites, se sont dites, se sont transmises depuis. Tous, nous sommes issus et descendons d’un héritage de tragédies nombreuses et désirs variés qui, au travers des temps, ont bouleversé, modifié, apportant chair et esprit à ce qui nous a fait humain sur ce bout de terre. Or, un cri toujours semble retentir : Et, le paradis, où est-il ?
N’est-il pas judicieux, exaltant, de prendre un instant pour remonter aux sources et tenter de comprendre, d’écouter ce qui fut ce que nous sommes aujourd’hui. Les temps sont bousculés, l’homme semble perdre pied, oublieux que la terre vit. Soudain, il constate que la nature se rebelle.
Mais, lâche sans doute, il prend la fuite et néglige le repos - silence - qui lui procurerait savoir et devoir. Il ne réussit plus à lire dans ce qui était ce que demain sera. Trouvera-t-il enfin le geste d’espérance pour un lendemain nouveau ? Rendu incapable de capter le sens d’une vie concordante, devenue éthérée, l’homme paraît plongé, irrémédiablement, dans l’immédiateté d’un réel sans fond, sans avenir. Aussi, prenons notre envol, saisissons l’aile de l’oiseau pour écouter ce que celui-ci a à nous dire, quand des hauteurs il considère l’humain et le voit se débattre en ses démons.
À la porte d’un paradis
L’homme, qui a rompu une alliance avec la sagesse et s’est risqué à braver l’interdit, a entamé un exil qui n’a cessé depuis la racine des temps. Peut-être même que l’errance s’accentue dans un présent où les portes s’ouvrent et se claquent en toutes directions de l’univers. De la confusion, quelle direction choisir ?
L’homme paraît prendre conscience de l’étroitesse de cette boule de terre et de feu qu’il parcourt d’un grand bond, si prompt qu’il lui devient urgent, fondamental de revenir à un point du départ, un centre qui serait Origine. Peut-être prend-il conscience de l’exigüité de la sphère, o combien fragile, qui lui révèle la grandeur de son ignorance. À scruter l’incessant et douloureux ballet des migrations, l’intelligence semble une chose ardue, à voir les peuples dispersés aux quatre coins de la planète ! À y réfléchir plus profondément, ne serait-ce un périple plus long et secret, qui révélerait un sens plus subtil et universel, entrepris le jour où l’homme n’aurait pas songé à un point d’aboutissement. Il s’est élancé en quête d’un lieu où tous se retrouveraient dans un chez soi, appartenant à tous, où chacun aurait son territoire, son espace de jeu et de vie ! Utopie ? Pas vraiment, si l’on écoute le poète Attār qui, d’un envol prophétique, réenchante la Genèse, où Messiaen fait sonner ses notes d’ornithologue.
Un exil pour un nouvel Éden
Comment un exil poussé jusqu’à l’absurde, jusqu’à la disparition de tous les migrants qui ont souffert, persévéré ou lâché prise, qui n’ont peut-être pas compris le pourquoi des déportations et des meurtrissures, comment un exil poussé jusqu’au bout du soi et en soi, fera-t-il sortir glorieux un être du chaos terrestre ? Sommes-nous seulement encore sur une terre durable et spirituelle ou, désormais nous restera-t-il à la survoler sans jamais plus pouvoir poser un pied humain sur un sol ferme ? C’est un chant inédit qui s’ouvre avec Le jour des oiseaux. Une vérité est à chercher quand on sait, ou déjà que l’on pressent, que l’éden est à notre portée, et que nous sommes dans l’incapacité de le déceler, d’y accéder tant notre cécité hypnotise, oriente sur de fausses routes, vers de fourvoyées destinations ! Resterait-il alors à nous initier au chant des oiseaux ? Peut-être qu’eux nous diront ce qu’il en est au bout du vrai, et nous y traîneront-ils malgré nos lourdeurs et désespérances !
Des officiants pour courir le monde
Les oiseaux parlent. De leurs caractères, ils révèlent ce que nous sommes. Ne seraient-ils en réalité des doubles parfaits? Ils semblent comprendre notre langage. Ils interpellent semant en nous-mêmes un étrange, habile et espiègle embrouillement. Ces oiseaux, ne disposeraient-ils en fait de cervelles d’hommes ? Et nous, n’aurions-nous des cervelles de moineaux… à ne pas réfléchir, à ne pas savoir voler au-dessus de nos turpitudes et aveuglements ?
De la parole oiseleuse, un monde se réinvente d’un occident connu ou mal aimé aux pointes d’un orient lointain inconnu. Il conduit aux portes d’un éden que l’on croyait définitivement perdu. L’homme contemporain égaré, si négligé par ses congénères, va-t-il renaître, à l’instar du phénix, grâce aux oiseaux qui survolent et courent le monde, exhortant de leurs conciliabules ? Du levant au couchant, d’Israël ou de Bretagne, de nos prés verdoyants aux forêts profondes, les oiseaux avec vaillance, pour certains du moins, semblent s’unir pour inciter l’homme à reprendre son envol, à repartir sur le grand chemin, parsemé de cailloux certes, qui le guidera au sortir du grand exil.
Le jour des oiseaux se présente tel un mistère moyenâgeux, où les officiants-oiseaux interprètent le rôle de personnages, levant énigmes nombreuses, survolant, faisant apparaître ou disparaître les mondes, conviant à écouter la voix intérieure. Parcourant les contrées au rythme de la création, une nuée d’oiseaux semblent bâtis en réels messagers de sagesse. Ils invitent à l’entendement d’une voix intime interpelant chacun.
Les acteurs sont, jouent les volatiles. De leurs gazouillis, battant des ailes et secouant plumages, ils sont en quête d’une force nommée vérité - Amour. Bien au-dessus de la croûte terrestre, ils font plonger, planer nos regards en direction des multiples rayons de l’étincelante clarté jouxtant l’horizon, là où se trouve le palais du prodigieux Sī-morgh, où, peut-être aussi pointe, dans le secret d’un coeur, le Souffle qui incite à l’accomplissement du voyage.
Quand amour portera le nom de l’oiseau Sī-morgh
La rencontre attendue avec le roi Sī-morgh, apportera-t-elle réponse à l’énigme suprême, quand l’homme faisait encore partie de ce paradis sur terre, qu’il était en lien direct avec son dieu ? Sept vallées se montrent à l’oiseau, comme sept étapes de la vie mystique ou sept degrés de la connaissance à franchir. L’oratorio théâtral se décline avec quelques spécimens, chaque oiseau symbolisant une attitude qui se traduit par la quête menant au Roi des Rois. Sī-morgh signifierait trente oiseaux. Or, partis un millier dans le cantique des oiseaux d’Attār, trente seront au rendez-vous… beaucoup d’appelés, peu d’élus.
C’est cet ensemble, un noyau de quatre et quelques autres qui m’importe, unis comme dit le poète persan « nous sommes un, Dieu est en nous et nous sommes en Dieu ». Ils réussiront à surmonter les étapes, à toucher la vraie nature du dieu. Le jour des oiseaux mène le spectateur à la porte qui ouvre au paradis qui était perdu. Au terme du périple, les oiseaux auront-ils réussi à réintégrer ce pays de la beauté éternelle ? Qu’en sera-t-il alors !
Dans mon livret, le roi souverain prend à tour de rôle le nom de Dieu ou dieu ou le dieu, pour marquer la non-connaissance ou l’humilité, mais aussi Adonaï ou Yahvé pour renouer avec les Alliances. Qu’importe, ils sont ici ces noms de l’Entité universelle, la clé du roi imaginé par le poète. Ce qui est capital, est la quête de la vérité, la recherche de l’amour du dieu qui loge en chacun. Oser pousser la porte de l’éden, c’est désirer retrouver la source initiale et purificatoire du matériau humain. Sur le seuil du palais de Sīmorgh, le chambellan attend les oiseaux : Ce que vous avez tant cherché n’est pas ailleurs qu’en vous. C’est vous, que vous avez trouvés. Que, de la connivence des oiseaux, la création soit une parabole incitant au voyage, à une immersion dans l’amour incommensurable, là où se prédit qu’il faut savoir se perdre pour en ressortir « vivants »… naître de nouveau !
Relations presse Violaine Andrieux ● violaine.andrieux@gmail.com
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